marianne et les femmes...

« Au nom de la protection de la planète, on abandonne le lait en poudre pour allaiter, on revient au couche lavables, on accouche même à domicile... et on finit par quitter le monde du travail. Une régression que les femmes vont payer cher. »

Voilà donc le constat définitif posé par Isabelle Saporta dans un article du 602ème numéro de Marianne, fruit d'entretiens avec divers interlocuteurs dont Elisabeth Badinter ou encore Laurent Larcher .

            Longue analyse pseudo-psychanalytique du mouvement constaté dans la société française qui voit un nombre croissant de femmes abandonner une activité professionnelle pour rester chez elles élever leurs enfants, activité semble-t-il peu honorable aux yeux de ces féministes convaincues conspuant ces pauvres filles à court d'idéaux qui choisissent la voie de l'écologie et de la nature comme unique moyen de rébellion face à une mère soixante-huitarde supposée trop indépendante et trop peu maternante. 

Allaitement, maternage, respect de la nature, toutes autant de raisons pour aliéner les femmes et les « assigner à résidence ». Pour ces affranchies, le retour au foyer est un retour en arrière. L'idée que peut-être il s'agit là de l'exercice de la liberté acquise des femmes, au contraire, n'effleure pas les convaincues de la carrière-à-tout-prix. Et s'il s'agissait là de la véritable  prise de pouvoir des femmes dans l'ombre du foyer ?

            L'allaitement maternel est le mode d'alimentation idéal pour le petit de l'homme. S'il est un fait incontestable, il est là. Les vaches nourrissent les veaux, les lionnes les lionceaux, les juments les poulains, les hases les lapereaux, les humaines les nourrissons. N'en déplaise à Eliette Abécassis, nous sommes bel et bien des mammifères. Dits « évolués » certes, mais des mammifères tout de même, là encore, c'est un fait. Que le lait maternel soit le mieux adapté au nourrisson ne peut être remis en cause, qu'il ait nombre d'avantages sur le lait artificiel non plus. Les laits industriels cherchent toujours plus à s'approcher de la perfection qu'il atteint, est-il besoin de preuve plus évidente ?

            Il impose à la mère une présence constante auprès du nourrisson dans les premières semaines de sa vie, cela aussi est un fait non contestable. C'est cela que l'on peut considérer comme une aliénation, une assignation à résidence. Combien de toutes nouvelles mères, cependant, souhaitent retravailler immédiatement après leur accouchement, ou même sortir en soirée ? Avoir un enfant en bas âge est fatiguant, un accouchement est un bouleversement hormonal extrême, qui nécessite qu'on donne du temps au temps. Passé quelques semaines et avec une réelle connaissance du fonctionnement de la lactation humaine, n'importe quelle femme peut retrouver sa liberté de mouvement. Rien n'empêche l'allaitement de se poursuivre, de façon partielle ou totale, à la reprise de l'activité professionnelle.

            En toute objectivité, les partisans du biberon dénoncent les pressions en faveur de l'allaitement. En toute objectivité, les partisans de l'allaitement dénoncent les critiques et les conseils aberrants. Oui, l'allaitement doit être le libre choix de toute femme. Mais un choix réellement éclairé, non pas orienté par l'inepte conseil de personnes mal informées. Nous méritons bien cela. Acceptons le choix clair et net de celle qui affirme « non, je ne veux pas », « ce n'est pas mon truc », « je n'ai pas envie ». La décision leur appartient. Mais cessons de véhiculer des images éculées et fausses de l'allaitement maternel, qui conduit des femmes à faire le choix du biberon en évacuant leur culpabilité dans des idées reçues, « mon lait a tourné » « je n'avais pas assez de lait » « il n'est pas assez nourrissant » allégations fausses, qui donnent une l'image de quelque chose de compliqué et de peu fiable à un geste extrêmement simple et sur. L'humanité ne s'est pas élevée au biberon, mais au sein de ses mères, qui avaient assez de lait, assez de temps, assez de tout.    

            Le confort de la mère n'est pas à sacrifier sur l'autel de l'enfant. Et il n'y a rien d'antinomique à chercher le confort conjoint de l'enfant et de la mère. L'allaitement permet tout de même un meilleur sommeil, le sommeil partagé évite les levers dévastateurs de nuits. Chacun y  va de son conseil, de son affirmation. Laisser pleurer, ne pas laisser pleurer. On nous abreuve de conseils avisés de Psys dont c'est le bizness, censés nous dire comment élever nos enfants pour qu'ils soient « bien comme il faut ». Comme il faut quoi ? Encore une fois, on voudrait nous donner un mode d'emploi là ou il faudrait un peu de simplicité. Qu'est ce qui vous convient pour votre enfant ? Comment vous sentez-vous le mieux avec lui ? On ne fait pas un enfant comme on achète un jeu vidéo. Un enfant, c'est une personne, là encore un acquis inaliénable... Une personne respectable, une personne dont on est responsable, de A à Z. C'est un fait. On nous dit que l'enfant doit dormir dans sa chambre. Pour répondre au stress des mères de laisser leur petit loin d'elle -quelles mijaurées- on invente des appareils de plus en plus sophistiqués pour l'entendre, le voir... il en existe qui répercutent le son des battements de son cœur pour rassurer la maman de l'autre côté du couloir. L'aberration ne saute pas aux yeux ? Si la mère sent que son enfant serait mieux près d'elle, n'est-ce pas qu'il serait effectivement mieux près d'elle ? Bien des aspects du maternage qui « aliène » la mère au foyer sont de grandes simplifications du quotidien pour elles. C'est un fait, là encore. Un enfant qui pleure c'est stressant, et un bébé ne pleure pas si ses besoins simplement sont comblés. Ou donc est le désavantage pour la maman ? Là où on accuse les mères de trop de maternage, de trop de proximité avec leurs nourrissons, elles trouvent confort de vie, sans doute une grande tranquillité. Et si le fait de rester au foyer fait partie de ce processus, comment leur en vouloir de choisir l'option la plus confortable pour elles ?

            Serait-ce plus convenable qu'elles s'astreignent à travailler encore, alors qu'une deuxième journée les attend ? Soit, que celles dont l'emploi les comble trouvent un intérêt à poursuivre leur activité, que celles dont le foyer est adepte de la répartition des taches équitable, que celles qui ne veulent absolument pas rester chez elles décident de reprendre le travail, s'il s'agit là d'affirmer leur choix propre, qu'elles fassent. Mais pourquoi condamner toutes les femmes et surtout celles qui ne le souhaitent pas, à reprendre le travail sous peine de dépendance financière, ou pire, morale ? Quoi ? Nous n'avons donc pas plus évolué que ça, donc. Les femmes les premières sont incapables de reconnaitre la valeur du travail effectué par celle qui reste au foyer. Les femmes sont en grande majorité moins payées que leurs alter-egos masculins, l'égalité dans le monde du travail n'existe pas. Celles qui font le choix de la maternité sont dévalorisées, considérées comme moins disponibles et donc moins fiables, ce qui grève leurs possibilités de carrière. Là encore, c'est un fait.

Et de retour au foyer, ces femmes qui occupent un emploi sous payé par rapport à un homme se trouvent encore a accomplir nombre de taches ménagères non partagées par le conjoint, adjoignant a leur propre journée de travail une seconde, faite des nécessités de base de la vie d'une famille.

            Enfin, ces femmes arriérées sont donc des écolos besogneuses, prêtes a sacrifier du temps et de l'énergie dans des pratiques d'un autre âge, qui les enfermeraient d'autant plus dans leur rôle rétrograde de bonne femme au foyer.  Mouais.

Cela ne laisse-t-il personne perplexe, tout de même,  que l'écologie soit encore collée au pilori, castratrice en quelque sorte ? L'écologie est devenue non pas une cause mondiale, mais une nécessité vitale. Ceux qui pensent encore qu'on pourra encore une fois trouver une baguette magique pour s'en sortir par une pirouette se voilent la face pour ne pas renoncer à quelques conforts qui sont, au regard des deux tiers de la population mondiale, absolument et résolument luxueux. Non, nous ne retourneront pas à l'âge de pierre, à moins de ne faire marche arrière trop tard. Non nous ne retourneront pas au temps de nos grand-mères, si nous parvenons a suffisamment adapter nos modes de vie à la nature, et ne plus tenter de faire l'inverse...

            Cessons donc de voir dans ces jeunes femmes au foyer qui décident de vivre pleinement leur état de femme des révoltées régressives que la psychanalyse renvoie un peu vite face à un modèle maternel trop indépendant. Le féminisme a apporté aux femmes la liberté du choix, l'indépendance du corps et de l'esprit ; liberté et indépendance dont ces femmes jouissent pleinement aujourd'hui dans les préférences qu'elles affichent. Instrumentalisées à l'extrême par une société de consommation qu'elles rejettent, elles choisissent et posent leurs propres modèles, hors des cadres communs, sans doute. Les femmes au foyer d'aujourd'hui ne sont pas leurs grands-mères, elles reviennent au foyer en ayant acquis l'essentiel de ce qui leur manquait : le droit de cité. La liberté de choisir, quel que soit le domaine. Liberté bien ancrée dans notre culture, et qu'elles exercent un peu trop visiblement, lorsque la direction choisie ne rentre pas dans le cadre voulu par ces mêmes mères qui ont revendiqué si fort leur propre liberté. Le jugement sans appel qui transparait au travers de cet article ne serait-il pas le reflet même de l'amertume de « nos » mères féministes face aux libres choix de leurs filles ? L'indépendance acquise ne s'est pas faîte que face a la pression masculine, mais aussi face a celle des mères et des pères.

Les filles d'aujourd'hui ne suivent pas les chemins espérés.

Exaspérant ?

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